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Orpaillages au Niger : l’insécurité lorgne le nord du pays

par Ismaila Garba
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Les attaques rétro sur les sites d’orpaillage au Nord du Niger…

Au Nord, dans la Zone d’Opération GARKOUW (Région d’AGADEZ), des bandits armés à bord de huit (08) véhicules ont attaqué la position du détachement de TABARKAT, la riposte du détachement a mis en déroute l’ennemi qui était contraint de prendre la fuite vers le Nord (…). Bulletin des opérations N°0056/2023 ; 10 juin 2023

Au Nord, dans la Zone d’Opération GARKOUW (Région d’AGADEZ), un élément dédié à l’opération « Tchibarkaten » assurant l’escorte publique est tombé dans une embuscade le dimanche 09 Avril 2023 à 170 km de TABARKAT sur l’axe menant à Arlit occasionnant cinq (05) morts et cinq(05) blessés du côté ami (…). Bulletin des opérations N°0009/2023

Au Nord, dans la Zone de Défense N°2, l’escorte du convoi public de TABARKAT a fait l’objet d’une attaque par des individus armés en début de semaine (…). Bulletin des opérations N°0003/2023 ; 06 février 2023

La région d’Agadez, tout comme celle de Tillabéry fait face depuis quelques années maintenant à des attaques récurrentes des bandits armées sur les sites ou encore sur les voies qui mènent aux zones minières artisanales communément appelées orpaillages. En effet, dans un intervalle de cinq (5) mois, trois (03) attaques au Nord du Niger ont été recensées, dont deux sur le convoi en appartenance à TABARKAT et une sur le site d’orpaillage de ladite localité. Ces attaques barbares ont été menées par des bandits armés d’après les bulletins des opérations des Forces Armées Nigériennes (2023).

Pour rappel…

Tabarkat (localement appelé Tchibarakaten) est un point d’eau et un lieu de passage situé près de la frontière algéro-nigérienne, à 400 km environ au nord-est d’Arlit. Tchibarakaten, site de la deuxième ruée vers l’or dans le Sahara nigérien, fut découvert en juillet 2014 par des géologues nigériens. Ils avaient prospecté le site en 1999 pour le compte de la société GeoAfrica Gold Corporation (elle avait estimé qu’il n’était pas rentable d’exploiter industriellement l’or en raison de l’éloignement du site). Certains retournèrent dans la zone pour envisager une exploitation artisanale tandis que d’autres fournirent des indications (ventes de cartes et de coordonnées GPS) à des commerçants et des aventuriers (issus notamment des anciennes rébellions touarègues) soucieux de se livrer à l’activité. C’est ainsi que débuta l’aventure à Tchibarakaten, soit au moment même où les sites du Djado étaient en pleine activité.

Emmanuel Grégoire and Laurent Gagnol, « Ruées vers l’or au Sahara : l’orpaillage dans le désert du Ténéré et le massif de l’Aïr (Niger) »

Cependant depuis 2014, les orpailleurs s’installent confortablement à Tabarkat pour savourer les retombées du métal précieux dans une région fragilisée autrefois par la rébellion. Ensuite, en 2017 l’Etat nigérien via le Ministère des Mines fait sortir le DECRET N°2017-628/PRN/MM du 20 juillet 2017 modifiant et complétant le décret n°2006-265/PRN/MME du 18 août 2006, fixant les modalités d’application de la loi minière. A travers ce décret, deux types d’exploitations destinées uniquement aux personnes morales ont été ajoutés à celui d’artisanat. Il s’agit de l’exploitation minière semi-mécanisée et de l’exploitation des haldes, terrils et résidus de mine et de carrière. Par conséquent, cela suscite un pouvoir d’entreprenariat aux petites et moyennes sociétés de se lancer dans le secteur minier en toute sérénité. Dès lors le site de Tabarkat devient l’un des plus grands sites d’orpaillages du pays où cohabitent économiquement les artisans miniers (personnes physiques) et les operateurs des petites mines (personnes morales).

L’orpaillage et l’insécurité, quel lien ?

Selon une étude menée par le géographe et géopoliticien, Joseph Bohbot en 2017, l’exploitation aurifère artisanale suscite au Mali, au Burkina Faso et au Niger de nouvelles préoccupations sécuritaires. Ces trois pays constituent l’épicentre de l’insécurité dans la région sahélienne, et la plupart des récentes découvertes aurifères sont survenues dans des zones où les Etats sont historiquement peu présents ou dont ils se sont retirés en raison de l’insécurité croissante. Cela profite à divers acteurs armés (groupes d’autodéfense, bandits, trafiquants, groupes rebelles, jihadistes) qui tantôt contestent l’Etat, tantôt coopèrent avec lui et sont les dépositaires informels de l’autorité publique. Les sites miniers artisanaux deviennent pour eux une source de financement mais aussi un lieu de recrutement.

Il est clair que l’orpaillage fournit de l’emploi et diverses activités génératrices de revenus à des milliers de personnes à travers le pays en général et du Nord en particulier, mais toutefois ce type d’exploitation évolue fréquemment en marge de la réglementation existante, et pose des problèmes de plus en plus graves à l’environnement mais aussi et surtout à la sécurité de la population. D’après un dicton orpailleur : « l’or sans arme est un or de fou ». Ceci dit, traditionnellement exploiter de l’or artisanal nécessite de la « sécurité humaine ». Nul n’est épargné qu’il soit dans l’informel ou formel.

En effet, l’insécurité en zone d’orpaillage ou petite mine peut être de différentes causes directes ou indirectes dépendantes les unes des autres. Parmi les plus importantes, on peut citer :

Non application de la réglementation : L’absence de surveillance adéquate par les services compétents dans le secteur de l’orpaillage peut augmenter inévitablement les risques d’insécurité. Cela peut faciliter les activités illégales, le trafic d’armes et de drogues, ainsi que l’exploitation des enfants.

Etat informel des sites :  l’une des principales causes de l’insécurité réside dans l’état informel que subissent certains sites. Les activités illégales dans ces zones sont souvent associées à l’insécurité locale. La plupart des mineurs illégaux créent d’abord des théâtres de conflits entre groupes rivaux qui se disputent le métal précieux, puis des conflits avec les autorités compétentes ou encore les forces de sécurités chargées de faire respecter la loi. 

Absence de collaboration tangible avec les communautés locales : Il arrive aussi que les orpailleurs formels désobéissent à l’application des « Droits de tiers ». Ce droit consiste à respecter le contrat de bail ou d’achat des terrains destinés à l’exploitation. En effet, en l’absence du respect de droit de tiers, l’orpaillage peut avoir un impact négatif sur les communautés locales, entraînant des tensions sociales et économiques. La rivalité pour les ressources minières peut provoquer des conflits entre mineurs et les populations autochtones, entraînant des problèmes d’insécurité le plus souvent inévitable en l’absence des autorités compétentes ou forces de sécurités chargées de faire respecter la loi.

Présence de groupes armés : les groupes armés non étatiques font leur loi le plus souvent sur les sites de statut informel. Sans surveillance des forces armées ni l’administration chargée des mines, la loi du plus fort s’installe.  « Les groupes armés peuvent imposer leur volonté par la force et à la suite profiter de l’activité minière pour s’enrichir ou financer leurs activités. » selon un ancien orpailleur de Liptako et Djado.

Des solutions difficiles, mais jamais impossibles….

Face à la complexité technique et administrative que manifeste le secteur d’orpaillage, et petites mines, l’État nigérien ne doit pas se focaliser uniquement sur l’aspect économique. Le plus grand défi, reste à formaliser d’abord ce secteur sous toutes ses formes, au profit de l’État, des communautés locales et les détenteurs des titres miniers. Cela revient donc à l’État d’intégrer les activités d’exploitations minières artisanales et à petite échelle informelles dans un système sécuritaire, juridique et économique officiel afin de contribuer au développement durable du pays. Renforcer les cadres juridiques et les mécanismes de réglementation pour faciliter l’organisation de la petite mine, l’accès aux droits de propriété et aux obligations qui en découlent. Aussi, améliorer et motiver le soutien technique et logistique des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les agents dudit domaine afin de garantir respectivement la surveillance et le suivi et contrôle de tous les sites d’orpaillages du pays, notamment le Nord et l’Ouest du pays.

Il convient de noter que les FDS sont toujours présents pour préserver la paix et la sécurité des populations. Néanmoins, nous sommes tous une partie de la cause de ces menaces sur nos ressources minières, mais nous sommes aussi une partie de la solution.

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2 commentaires

Mariam Ibrahim 17 juillet 2023 - 0h17

Très bel article! Une triste réalité qui touche pratiquement tous nos sites d’orpaillage au Sahel et en Afrique centrale.

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Ismaila Garba 30 juillet 2023 - 19h37

Oui exactement Mariam, l’idéal c’est de réagir à temps afin de trouver des solutions réalistes et durables.

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